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World3 et le rapport Meadows, une Foire Aux Questions raisonnée

Présentation

L’équipe STEEP de l’INRIA Grenoble a pris l’initiative de populariser les questions que nous posent aujourd’hui le rapport The limits to growth et le modèle World3 issus de la commande du club de Rome à Dennis et Donella Meadows et leur équipe du MIT en 1972.

Alors que 50 ans se sont écoulés depuis sa publication,  nous avons constaté que peu de personnes du grand public, mais aussi de collègues en SHS, mais aussi parfois en sciences dures, connaissaient effectivement ce moment important de la pensée systémique sur les questions de modèle de croissance engageant des modes de vie.  Son titre alors que nous devons faire face à une crise majeure liée à la non prise en compte des limites planétaires pointées pourtant dans ce rapport, mais aussi en amont, nous oblige.

Nous avons de ce fait organisé une réflexion interdisciplinaire et un dispositif qui aboutit à cette publication au fil de l’eau d’une foire aux questions réfléchie. Nous avons demandé à des collègues aussi bien de sciences humaines, laboratoire Pacte équipe environnement que de sciences exactes équipe STEEP de nous envoyer des questions qui seraient ensuite, en fonction de leur teneur, prises en charge par des chercheurs spécialistes de l’un ou l’autre champ. Pour compléter cette approche nous avons également décidé de faire relire les notices d’une façon croisée de manière à produire un langage lisible quelle que soit la discipline d’origine du rédacteur.

Nous avons reçu en trois semaines environ 70 questions que nous avons synthétisées en 23.

Le plan adopté dans lequel s’insère les notices attendues interroge les conditions de production du rapport et les logiques qui organisent  la modélisation adoptée, des questions sur le rapport lui même, des questions sur sa postérité et son usage.

Nous remercions chaleureusement l’ensemble des collègues qui ont accepté de participer à ce travail collectif et interdisciplinaire.

Nous pensons que les savoirs croisés permettent aussi bien aux chercheurs des sciences dures de mieux comprendre le contexte de production de ce rapport qu’aux sciences humaines de mieux comprendre en quoi un modèle est « toujours faux mais parfois utile ».

Coordination éditoriale

Table des matières

Chapitre 1 : Conception

  1. Qui a commandé le rapport et pourquoi ? Quel est le rôle du Club de Rome ? Élodie Vieille-Blanchard
  2. Quel était le but des auteurs du modèle ? Pierre-Yves Longaretti (STEEP/IPAG)
  3. Comment a été pensé et construit le modèle ? Pierre-Yves Longaretti (STEEP/IPAG)
  4. Cette démarche est-elle dans une logique de rupture vis-à-vis des opinions et conceptions sociales, économiques et écologiques de l’époque ? Renaud Bécot (PACTE)
  5. Quelle conception de l’histoire les auteurs portent-ils ? Sophie Wahnich (PACTE/STEEP)

Chapitre 2 : Réception

  1. Comment le rapport a été diffusé et a été accueilli à sa sortie dans le monde ? Roberto Pasqualino (University of Cambridge)
  2. Comment le rapport a été diffusé et a été accueilli à sa sortie en France ? Timothée Duverger (IEP Bordeaux)
  3. Quelles ont été les controverses économiques soulevées par le rapport à sa publication ? Franck-Dominique Vivien (REGARDS)
  4. Dans quelle mesure les conclusions tirées du modèle World3 sont-elles valides? Comment le modèle peut-il être mis à l’épreuve de la réalité s’il n’a pas vocation à être prédictif ? Pierre-Yves Longaretti (STEEP/IPAG)
  5. Pourquoi l’influence de World3 a rapidement décliné ? Antonin Pottier (CIRED/EHESS)

Chapitre 3 : Usages

  1. Quels enseignements de World3 et Limits to Growth peut-on retenir ? Élodie Vieille-Blanchard
  2. Quelles sont les valeurs idéologiques qui sous-tendent les choix du rapport Meadows et les simulations du modèle World3 ? Cristina Apetrei (Leuphana University Lüneburg) & Diana Mangalagiu (University of Oxford)
  3. Comment les valeurs culturelles ont-elles été intégrées dans la structure et le fonctionnement du modèle World3 ? Diana Mangalagiu (University of Oxford) & Cristina Apetrei (Leuphana University Lüneburg)
  4. Comment la pertinence statistique du modèle a-t-elle évolué au cours du temps ? Serge Fenet (STEEP)
  5. Le modèle est-il actuellement utilisé dans les débats et décisions politiques ? Christophe Mangeant (DGA)
  6. Le modèle est-il actuellement utilisé dans les débats et décisions politiques des banques centrales ? Louis Delannoy (STEEP) & Antoine Godin (AFD)
  7. Les outils de modélisation numérique actuels peuvent-ils nous aider à penser et faire face aux crises ? Sacha Hodencq (LIG), Hugo Le Boulzec (GAEL) & Emmanuel Prados (STEEP)
  8. Face à l’urgence, faut-il encore prendre le temps de modéliser les crises qui viennent ? Sacha Hodencq (LIG), Hugo Le Boulzec (GAEL) & Emmanuel Prados (STEEP)

Chapitre 4 : Héritage

  1. Y-a-t-il des modèles plus récents, analogues à celui de World3, réalisés par d’autres équipes ? Sont-ils redevables à World3 ? Christophe Cassen & Julien Lefebvre (CIRED)
  2. Peut-il exister des modèles systémiques clé en main pour l’usage des entreprises ? Jean-Charles Hourcade (CNRS/EHESS)
  3. Les controverses de 1972 et leur postérité peuvent-elles nous éclairer sur la situation actuelle ? Elodie Vieille-Blanchard
  4. Une modélisation intégrée/globale du monde comme World3 peut-elle suffire à convaincre le public de la nécessité de changer les buts à poursuivre par les sociétés humaines ? Quels autres facteurs doivent être pris en compte ? Christophe Bouillaud (PACTE)
  5. La décroissance est-elle aujourd’hui la seule alternative nous permettant d’opérer une transition écologique résiliente face au changement climatique ? Françoise Berthoud (LPMMC/CNRS), Pierre-Yves Longaretti (STEEP/IPAG) & Sophie Wahnich (PACTE/STEEP)

Biographies

Cristina Apetrei est doctorante en sciences de la durabilité à l’université Leuphana de Lüneburg (Allemagne). Elle a une formation mixte en sciences environnementales, sociales et informatiques et plus de 10 ans d’expérience de recherche et d’élaboration des politiques publiques et du secteur privé avec une perspective de systèmes intégrés.

Renaud Bécot est maître de conférences en histoire contemporaine à Sciences Po Grenoble, membre du laboratoire PACTE et associé au Centre d’histoire sociale des mondes contemporains. Il préside actuellement le Réseau universitaire de chercheur.es en histoire environnementale (Ruche). Il a notamment co-dirigé l’ouvrage Écrire l’histoire environnementale au XXIe siècle (Presses Universitaires de Rennes, 2022).

Françoise Berthoud est ingénieure de recherche au CNRS dans l’unité GRICAD à Grenoble. Ses centres d’intérêt principaux sont les conséquences environnementale du numérique et l’accompagnement aux changements. elle a co-fondé le groupe EcoInfo du CNRS en 2006, l’a animé jusqu’en 2019 et partage aujourd’hui son temps entre des enseignements, des actions de vulgarisation, des études et des accompagnements aux changements individuels ou collectifs face aux crises environnementales.

Ancien élève de l’École normale supérieure, Christophe Bouillaud est professeur de science politique à Sciences Po Grenoble – UGA depuis 1999. Il est spécialiste de politique comparée européenne, en particulier sous l’angle des partis.

Christophe Cassen est ingénieur de recherche CNRS au CIRED en charge de la coordination de projets au sein du programme de modélisation IMACLIM. Ses recherches portent également sur la gouvernance climatique internationales et son histoire, ainsi que sur l’analyse des interactions entre communautés de modélisation technico-économiques, négociations climat et stratégies nationales de décarbonation. Christophe Cassen est diplômé en sciences sociales de l’ENS Cachan-IEP Paris et d’un troisième cycle d’ingénieur à Agroparistech-Engref.

Timothée Duverger est maître de conférences associé à Sciences Po Bordeaux et chercheur associé au Centre Émile Durkheim. Il a notamment publié La décroissance, une idée pour demain (Sang de la Terre, 2011).

Louis Delannoy est doctorant en mathématiques appliquées au sein de l’équipe de recherche STEEP (laboratoire Jean Kuntzmann, INRIA Grenoble). Ses recherches portent sur les risques systémiques découlant des interactions entre l’économie, la finance et l’énergie dans un contexte d’accélération de changements socio-écologiques globaux. Il est titulaire d’un Master of Science en gestion de l’énergie et durabilité de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

Serge Fenet est maître de conférences à l’université Claude Bernard Lyon 1. Après un doctorat en intelligence artificielle, il s’est rendu compte que l’éventualité d’un monde à +3°C remettait fortement en cause l’intérêt de ses travaux. Il a alors décidé de se concentrer sur l’étude des impacts environnementaux des activités humaines. Depuis qu’il a rejoint l’équipe INRIA STEEP, il travaille sur la construction et l’analyse de modèles de l’anthropocène. Mais qui sait, il finira peut-être par élever des yacks en montagne.

Antoine Godin est en charge du programme de recherche GEMMES à l’Agence Française de Développement (AFD). Avant d’intégrer l’AFD en 2017, il a contribué au développement méthodologique de plusieurs approches de modélisations macroéconomiques. Il a notamment été consultant pour la Banque d’Angleterre et professeur d’économie à la Kingston University, à Londres. Économiste associé au Centre d’économie de l’Université Paris-Nord (CEPN), il a un diplôme d’ingénieur en mathématiques appliquée de l’université catholique de Louvain (Belgique) et un doctorat en Sciences économiques de l’université de Pavie (Italie).

Sacha Hodencq est docteur de l’Université Grenoble Alpes en génie électrique depuis 2022. Son sujet de recherche principal concerne l’ouverture et la collaboration autour des processus de modélisation énergétique au service de futurs soutenables. Il travaille actuellement sur les relations entre Low-Tech et numérique, la documentation ouverte, et des approches critiques de la modélisation.

Jean-Charles Hourcade a dirigé le Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired) de 1987 à 2012. Il est directeur de recherche émérite au CNRS et directeur d’études à l’EHESS. Membre du Comité national de la recherche (1989-1998), il a participé à la Délégation française officielle aux négociations dans la Convention climat (COP 4 à 8 de 1995 à 2002). A l’échelle internationale, il a été coordinating lead author (en charge des questions d’économie) au sein des 2e et 3e rapports d’évaluation du groupe III du GIEC, puis auteur principal (4e, 5e rapport, rapport spécial 1,5°C, rapport de synthèse du 6e cycle).

Hugo Le Boulzec est chercheur post-doctorant au laboratoire d’économie appliquée de Grenoble (GAEL) sur la modélisation des co-bénéfices et risques liés à la qualité de l’air. Ses centres d’intérêt incluent les enjeux liés aux matières premières non-énergétiques dans le cadre de la transition socio-environnementale, ainsi que le questionnement des pratiques de modélisation face aux enjeux actuels.

Julien Lefèvre est ingénieur-économiste, chercheur au Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement (CIRED) et enseignant à l’Université Paris-Saclay. Ses travaux portent sur les scénarios futurs de transition énergétique, d’atténuation du changement climatique et leurs implications socio-économiques à travers la modélisation intégrée énergie-économie.

Pierre-Yves Longaretti est chercheur au CNRS et à l’INRIA. Depuis le milieu des années 2000, il a progressivement abandonné son activité d’astrophysicien théoricien pour s’intéresser à différentes problématiques socio-environnementales. Dans ce cadre, son activité de recherche principale porte depuis plusieurs années sur les risques systémiques globaux. Il a co-fondé l’équipe STEEP avec Emmanuel Prados.

Diana Mangalagiu est professeur à Neoma Business School, France et à l’Université d’Oxford et détient un doctorat en Intelligence Artificielle et des MSc en Physique, Sociologie et Management. Elle a plus de vingt ans d’expérience dans la recherche et le conseil sur la durabilité et les systèmes complexes auprès des organisations internationales et gouvernements et est membre du conseil scientifique du Global Climate Forum, IPBES, UNEP and International Science Council.

Christophe Mangeant est ingénieur militaire en poste à la Direction Générale de l’Armement. Après Supélec et un doctorat de physique, il a successivement occupé différents postes liés principalement à la dissuasion nucléaire. A titre privé, la lecture de l’ouvrage en 2012 le fait plonger dans la modélisation systémique. Il continue à travailler sur World3 en réalisant notamment des analyses de sensibilité du modèle.

Antonin Pottier est maître de conférences de l’EHESS, chercheur au CIRED et au CMB. Ses centres d’intérêt incluent les conséquences socio-économiques du changement climatique et de sa limitation, l’histoire de la pensée économique et de ses liens avec l’environnement, le rôle de la discipline économique dans la décision publique.

Emmanuel Prados est le co-fondateur de l’équipe STEEP. Ses activités scientifiques portent sur l’analyse et la modélisation des risques systémiques globaux ainsi que des alternatives sociotechniques. Il s’intéresse aux différentes questions et enjeux liés à la transition écologique – en particulier à l’identification des verrouillages et des leviers d’actions – à l’échelle des territoires, ainsi qu’aux questions de gouvernance et de démocratie. 

Élodie Vieille Blanchard est l’autrice d’une thèse d’Histoire des sciences consacrée aux limites à la croissance (EHESS, 2011). Elle préside l’Association végétarienne de France depuis 2013.

Franck-Dominique Vivien est professeur d’économie à l’Université de Reims Champagne Ardenne. Il est directeur-adjoint du laboratoire REGARDS de cette même université. Il y dirige aussi le master d’économie appliquée à la transition écologique et à la bioéconomie. Ses travaux portent sur le développement soutenable, la transition écologique, la bioéconomie et l’économie circulaire.

Sophie Wahnich est directrice de recherche en science politique au CNRS. Elle vient de rejoindre le laboratoire PACTE à Grenoble et travaille plus particulièrement avec l’équipe environnement et en lien étroit avec l’équipe STEEP de l’INRIA où elle est détachée pour 50% de son temps. Il s’agit, forte d’un travail de longue haleine sur la Révolution française, les émotions politiques et les mouvements sociaux, de tenter le geste de l’anachronisme contrôlé qui lui est cher, dans le contexte d’une rupture anthropologique et écologique de notre monde qui est vouée à rebattre les cartes du politique.