Fermer Overlay

 

 

Risques systémiques globaux

 

Nos sociétés industrielles modernes se caractérisent par le très fort degré d’interconnexion liant les différents secteurs qui les composent. Les dynamiques entre-croisées de ces secteurs, ainsi que les conséquences de nos activités humaines en terme de destruction environnementale, sont porteurs de risques de déstabilisation intrinsèques, appelés risques systémiques. Ils prennent racine dans l’ensemble des rétroactions existantes entre les composants socio-environnementaux de ce système global, et représentent des menaces sérieuses, croissantes avec l’augmentation de la complexité de nos sociétés, et pouvant aller jusqu’à l’effondrement de tout ou partie de nos socio-écosystèmes.

 

La question des risques systémiques est importante dans le cadre du projet de l’équipe STEEP, dont le cœur porte sur les questions de durabilité à différentes échelles spatiales. La capacité des territoires, de la société civile, des Etats, de la communauté internationale et du privé à faire face à ce type de risques est l’un des éléments centraux conditionnant cette durabilité.

 

En pratique, on peut distinguer deux grandes familles de risques systémiques en fonction des processus en jeu. Il s’agit d’une part des risques tendanciels de long terme (décennies) et des risques de contagion systémique de court terme (mois ou années), de nature plus aléatoire que les précédents.

 

Risques tendanciels de long terme

 

Ce type de risques est dû pour l’essentiel à la tension grandissante entre notre usage des ressources, notre production de pollutions variées souvent diffuses, et la capacité de notre environnement (semi-naturel) à absorber les impacts associés, ainsi qu’aux conséquences des changements environnementaux induits sur la société elle-même. Ces risques sont à la fois amplifiés et sous-tendus par des dynamiques socio-politiques, économiques et historiques spécifiques. Le principal risque est celui d’un effondrement partiel ou total de la biocapacité planétaire, et ses conséquences sur la population humaine.

 

Cette problématique a largement émergé au niveau international dans le débat public suite à la publication du célèbre rapport des limites à la croissance en 1972. La dernière version de ce rapport (Limits to Growth : the 30-year update), a récemment été traduite en français sous le même titre (Les limites de la croissance). Récemment, en France, cet ouvrage est l’un de ceux qui a le plus alimenté le discours sur la « collapsologie » et le débat qui s’en est suivi.

Le point le plus important mis en exergue par ce type de modèle porte sur le rôle dominant des boucles de rétroaction prises en compte dans la modélisation. Ce sont ces boucles, plus que le niveau de description plus ou moins fin adopté dans la description des différents sous-systèmes en interaction, qui définissent et contrôle sa dynamique et les risques d’effondrement associés.

 

Le rapport des Limites de la Croissance s’appuie sur un modèle dynamique relativement sophistiqué, World. Du point de vue du chercheur, la question que pose ce modèle et plus généralement tous les modèles intégrés globaux du même type est de cerner dans quelle mesure leurs conclusions (souvent qualitatives mais quelquefois semi-quantitatives) sont robustes. L’ambition de notre travail est de donner des éléments de réponse scientifiquement fondés à cette question, au-delà des opinions expertes ou non énoncées sur la question, et indépendamment du débat soulevé et alimenté par la collapsologie.

 

Risques de contagion systémique de court terme

 

Ceux-ci sont de plus court terme (mois à années) mais intermittents et aléatoires. Ce type de risque est lié au très haut niveau d’interconnexions globales entre de nombreux secteurs d’activité humaine aux instabilités intrinsèques générées par ces interconnexions, et à leur propagation possible par effet domino dans tous les secteurs de la société. Ces risques sont intensifiés par les dynamiques géopolitiques en cours, et par l’aggravation des problèmes environnementaux.

 

Dans un tel contexte, les risques systémiques liés à la propagation de chocs divers à travers les différents secteurs d’activité sont donc réels et largement sous-estimés. Le terme “contagion systémique” utilisé pour désigner ce type de processus fait référence à la propagation d’une crise à l’ensemble de nos économies interconnectées et dont l’origine se situerait dans un secteur spécifique. Si des crises de ce type deviennent suffisamment nombreuses et/ou importantes, un risque d’effondrement peut en résulter à terme, si chacune d’elles produit une incapacité du système à revenir à son état initial. Ce type d’effondrement se caractériserait donc plutôt par une série de paliers cumulatifs successifs que par un seul événement disruptif majeur, ou une dégradation lente mais continue. Le graphe ci-dessous donne une vue intégrée des grandes catégories de risques de ce type et de leurs interactions.

 

Interconnexoin des risques systèmiques globaux
Source: World Economic Forum (2011). The global risk report, 6th edition.
Couleurs: type de risque
Intensité de couleur : croissance des impacts
Taille de losange : croissance de la probabilité d’occurrence
Intensité des liens : croissance de l’interconnexion
NB : ce type d’étude ce fait à dire d’experts. Il est donc qualitatif, et soumis à un certain niveau d’incertitude.

 

Les facteurs déclenchant possibles sont de divers ordres. L’un des plus fréquemment évoqués est une nouvelle crise financière, qui, compte-tenu de la fragilité accrue des États et du système bancaire et financier global, serait très vraisemblablement beaucoup plus difficile à maîtriser que la précédente, d’autant plus que les effets récessifs de cette dernière ne sont toujours pas complètement effacés. La présence crise sanitaire mondial liée au COVID-19 constitue presque un cas d’école de ce type de risques, et de leur capacité à se propager dans tous les secteurs au niveau global, ainsi que des conséquences de court et long terme (l’essentiel de ces dernières restant à venir).

 

Pour en savoir plus, lire le programme de recherche.