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Robustesse et validité des modèles dynamiques de risques systémiques globaux

Description du projet

La question des limites de la croissance de nos sociétés modernes a été soulevée à grande échelle pour la première fois tant dans le milieu scientifique que dans le grand public par la publication du « rapport Meadows » (Limits to Growth, Universe Books, 1972), il y a plus d’une quarantaine d’années. Cette question porte notamment sur l’interconnexion généralisée de tous les pans d’activité humaine, à l’échelle globale. Cette interconnexion s’accélère depuis le tournant des années 1950 et pose des questions de disponibilité des ressources, d’augmentation des pollutions diffuses, et plus généralement de risques liés à cette interconnexion pour les sociétés modernes. Ces questions font l’objet d’une attention croissante dans différentes disciplines, académiques, tant en sciences de l’environnement qu’en sciences humaines et sociales.
Dans ce paysage multidisciplinaire, le modèle World3, sur lequel est basé Limits to Growth, conserve une importance particulière malgré l’émergence de quelques autres modèles dynamiques globaux au fil du temps. Cette importance est liée en particulier à l’équilibre qu’il établit entre sophistication et généricité des choix de modélisation. De fait, le regain d’intérêt pour ce modèle s’est amplifié depuis le tournant des années 2000, notamment suite à une relecture plus objective de son contenu par différents chercheurs de sciences humaines et de sciences dures ; de ce point de vue l’étude de Turner (Global Environmental Change, 2008, 18, 397-411) a marqué un tournant important dans l’évaluation de ce modèle.
Néanmoins, et malgré ces travaux récents, les modèles dynamiques globaux souffrent toujours d’un déficit d’analyse de leur fiabilité et de la robustesse de leurs conclusions, tant sur le plan épistémologique que sur celui de leur mathématisation. Ce déficit est d’autant plus critique à la lumière de l’intérêt qu’ils suscitent et des discussions quelquefois polémiques dont ils font l’objet. C’est le cas pour World3, et l’objet du présent sujet de thèse est de remédier à cet état de fait par une analyse rigoureuse des faiblesses et de la robustesse du modèle et de ses conclusions qualitatives et quantitatives.
Nous envisageons dans cette thèse d’analyser la question de la fiabilité et de la robustesse du modèle World3 selon deux axes complémentaires :

  1. Étude qualitative et semi-quantitative.
    a. Tout d’abord, il s’agira d’effectuer une analyse numérique de la dynamique des variables de sortie du modèle en fonction de la dynamique des variables d’entrée (exogènes et endogènes). Elle permettra de qualifier la robustesse du modèle en présence d’incertitude, et de réduire l’incertitude en classifiant les variables en entrée en fonction de l’incertitude qu’elles injectent dans le modèle. Pour ce faire, des approches de classification non supervisée sont rapidement envisageables.
    b. Il a cependant été récemment montré qu’une telle analyse est fortement combinatoire (NP-Complète dans le cas général de réseaux logiques probabilistes 2 ), et les méthodes d’analyse classique par force brutes telles que Morris ou les indices de Sobol nécessitent de gros temps de calculs et montrent rapidement leur limitations. Une piste possible de cette thèse est d’explorer dans quelle mesure la programmation par contraintes pourrait permettre de réduire le temps de calcul des indices de sensibilité. Cela pourrait se faire en se rapprochant du problème de contrôle optimal déterministe sous contraintes, et en explorant notamment quelles conditions nécessaires et suffisantes de second ordre pourraient exister, et permettre de réduire fortement l’espace d’état à explorer.
    Ce point inclura également une étude fine des différentes échelles de temps présentes dans le modèle, et de leur caractère endogène/exogène, de la sensibilité de ces échelles de temps vis-à-vis des choix de paramètres. L’objectif sera de confronter le discours vulgarisé qui est tenu sur ce modèle à des éléments d’analyse objectifs, et d’estimer dans quelle mesure ces discours sont validés ou invalidés par cette analyse.
  1. Validation dynamique quantitative des différents sous-éléments du modèle.
    Sur ce second point, il s’agira d’évaluer plus généralement la paramétrisation des différents scénarios du modèle à la lumière des informations les plus récentes disponibles portant sur les systèmes globaux représentés, et d’analyser les différents secteurs du modèle et les boucles de rétroaction qui les lient. Le point le plus délicat est le second, portant sur les rétroactions), puisqu’il est lié à des choix de modélisation a priori de l’équipe d’origine. Ceux-ci pourront être testés en désagrégeant de façon limitée le modèle sur deux plans : d’une part au niveau de finesse de certains secteurs, d’autre part géographiquement. Ce travail nécessitera donc un travail de modélisation indispensable dans la réalisation des désagrégations. Par contre, il ne s’agira pas ici de reproduire d’autres modèles développés dans l’intervalle, mais au contraire d’étudier l’influence de ces désagrégations sur les conclusions qualitatives et quantitatives du modèle. Plusieurs pistes sont actuellement envisagées pour ce second axe, et notamment une analyse automatisée de la topologie du réseau de variables du modèle et l’étude du lien entre la distance-to-positive-feedback et la dynamique du modèle dans l’espace des phases.

Finalement, la portée de cette analyse pour d’autres modèles du même type pourra également être examinée dans le courant de la thèse.

Thématique

L’interconnexion généralisée de tous les pans d’activité humaine, à l’échelle globale, s’accélère depuis le tournant des années 1950 et pose des questions de risques systémiques pour les sociétés modernes. Ces questions font l’objet d’une attention croissante dans différentes disciplines académiques, tant en sciences de l’environnement qu’en sciences humaines et sociales.
Dans ce paysage multidisciplinaire, les modèles dynamiques globaux présentent une importance particulière. Néanmoins, et malgré des travaux récents, ces modèles souffrent toujours d’un déficit d’analyse de leur fiabilité et de la robustesse de leurs conclusions, tant sur le plan épistémologique que sur celui de leur mathématisation. Ce déficit est d’autant plus critique à la lumière de l’intérêt qu’ils suscitent et des discussions quelquefois polémiques dont ils font l’objet. C’est le cas pour World3, et l’objet du présent sujet de thèse est de remédier à cet état de fait par une analyse rigoureuse des faiblesses et de la robustesse de ce modèle et de ses conclusions qualitatives et semi-quantitatives.

Contexte

Depuis le tournant des années 2000, les modèles systémiques globaux, et notamment le modèle World3, ont fait l’objet d’une attention plus soutenue tant dans le grand public que dans la communauté académique, du fait de l’émergence des problématiques environnementales. Dans le milieu académique, la critique (essentiellement économique) initiale, par ailleurs scientifiquement assez peu fondée, a fait place à une critique plus informée et également plus exigeante sur la validité de ce genre de modélisation, et, sur un autre front, on a vu émerger des modèles plus simples portant sur des questions plus précises.
Les questions soulevées depuis quelques années, notamment en termes de validation et d’analyse de sensibilité poussée (c’est-à-dire plus complexe et complète que celles qui sont pour l’instant disponibles dans la littérature) sont toujours sans réponse.

Méthode

Concernant le premier axe de travail, il s’agit en particulier de qualifier la robustesse du modèle en présence d’incertitude, en classifiant les variables en entrée en fonction de l’incertitude qu’elles injectent dans le modèle. Pour ce faire, des approches de classification non supervisée sont rapidement envisageables ; une autre piste possible est d’explorer dans quelle mesure la
programmation par contraintes pourrait permettre de réduire le temps de calcul des indices de sensibilité de type Sobol.
Plusieurs pistes sont actuellement envisagées pour le second axe de travail, et notamment une analyse automatisée de la topologie du réseau de variables du modèle et l’étude du lien entre la distance-to-positive-feedback et la dynamique du modèle dans l’espace des phases.

Résultats attendus

Idéalement, l’analyse de sensibilité devrait permettre de caractériser les différents régimes dynamiques du modèle. La principale question porte notamment sur la possibilité d’identifier les liens entre domaines de paramètres et boucles de rétroaction dominantes, et de croiser ces régimes avec la connaissance que l’on a par ailleurs sur les domaines de variation réalistes des paramètres d’entrée. A défaut, on pourra a minima caractériser les limites de validité de différentes grandes catégories de scénarios en termes de paramètres d’entrée.
La seconde partie du travail quant à elle devrait affiner la compréhension de la structure des boucles de rétroaction, et d’identifier plus finement lesquelles sont les plus critiques vis-à-vis des conclusions qualitatives des différents scénarios.

Références bibliographiques