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Analyse systémique des scénarios de transition énergétique sous contrainte de flux de ressources : risques et faisabilité

Contexte

Contexte scientifique et sociétal

La question de la transition énergétique constitue un horizon politique affirmé aux niveaux nationaux et internationaux dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, et différentes agences nationales ou internationales, think tank ou ONGs ont proposé des scénarios de transition énergétique. Dans leur très grande majorité, ces scénarios se concentrent sur des aspects normatifs (niveau d’investissement nécessaires, reconversion sectorielle impliquée, etc.) ou techniques (nouvelles technologies de stockage de l’électricité, déploiements de vecteurs énergétiques alternatifs tels que l’hydrogène etc.). La littérature scientifique existante se concentre également dans sa très large majorité sur ce type de questions. Ces aspects normatifs et techniques sont essentiels mais n’informent pas ou peu sur les enjeux croisés matériels, énergétiques et socio-économiques de ces scénarios. De fait, il n’existe pour l’instant pratiquement pas d’analyse scientifique portant sur les aspects systémiques de la question, qui constituent pourtant un enjeu fondamental de cette transition. L’objectif de la thèse proposée est d’explorer ces questions, avec une focalisation particulière sur les questions de faisabilité des scénarios de transition énergétiques face à un certain nombre de contraintes systémiques, et sur les risques que les interactions systémiques font peser sur cette transition.

Contexte institutionnel

La thèse s’effectuera au sein de l'équipe STEEP, équipe commune entre l’INRIA et le LJK, dans le cadre d'un partenariat avec Olivier Vidal et son équipe (ISTerre, Observatoire des Sciences de l'Univers de Grenoble, Université Grenoble-Alpes). L’équipe a récemment engagé une activité sur les risques systémiques globaux au travers d’une action exploratoire INRIA, qui finance un doctorant, dans l’objectif de modéliser les risques liés aux instabilités de court terme qui peuvent se propager à l’ensemble des secteurs d’activité du fait de leur haut niveau d’inter-connectivité. Ce travail porte sur les risques croisés entre énergie, finance et logistique. Le travail entre énergie et matières premières structurelles proposé ici constitue un complément nécessaire et naturel de cette action exploratoire ; réciproquement, la logique de modélisation adoptée dans cette action exploratoire fournit une base de départ sérieuse pour le travail envisagé ici. Olivier Vidal quant à lui développe depuis plusieurs années avec ses étudiants une expertise sur la question des couplages entre matières premières structurelles (notamment métaux structurels et matériaux de construction) et énergie dans la perspective de la transition énergétique. Ce travail l’a amené à développer un modèle croisant les productions de matières premières (métaux structurels, matériaux de construction) et d’énergie (fossiles, électricité) et les secteurs producteurs et consommateurs concernés, à un niveau semi-détaillé des technologies mobilisées (notamment dans les secteurs de la production et du transport de l’énergie, et les principaux secteurs consommateurs que sont l’industrie, le transport et la construction). Son travail et son expertise constituent de fait une des pierres angulaires importante du sujet proposé.

Missions

Dans l’état actuel des connaissances, les aspects systémiques de la transition énergétique et les risques associés sont mal connus et peu ou pas étudiés. Ils sont liés d’une part aux besoins en ressources matérielles et énergétiques de cette transition eux-mêmes conditionnés par les besoins des principaux secteurs productifs, et aux pressions et impacts environnementaux associés (notamment, production de gaz à effet de serre, usage de l’eau et des terres). Ces dépendances structurelles sont génératrices de risques liées aux dynamiques d’instabilité sous-jacentes et aux différentes contraintes qui pèsent sur le système. Au nombre de ces dernières, on peut citer la question des flux en matières premières (principaux métaux structurels, l’intensité matérielle des énergies renouvelables étant considérablement supérieure à celle des énergies fossiles), et en énergie fossiles (déclin inéluctable de la ressource à des coûts supportables), budget carbone (lié à la contrainte climatique). Des contraintes techniques génériques sont également sources potentielles d’instabilité (par exemple, stabilité des réseaux électriques face à une production intermittente et dispersée), de même que des contraintes sociétales diverses (acceptation des transitions, vitesse de pénétration des technologies énergétiques alternatives, etc.). L’analyse des différentes sources d’instabilité (ou du moins des sources les plus importantes) devra reposer sur une analyse préliminaire des dépendances intersectorielles entre les principaux secteurs producteurs et consommateurs d’énergie, de même qu’une analyse des points faibles ou critiques des différentes filières de production et transport de l’énergie et des matières premières structurelles. Sur ce plan, l’actuelle crise du COVID fournit un cas d’étude intéressant, de nombreux secteurs productifs devant faire face à des pénuries de matières premières, suite à la désorganisation des chaînes de production et de distribution induites par la pandémie. Cette situation fournit à la fois un cas-test et une source d’information sur ces dépendances intra- et intersectorielles critiques. La première partie de la thèse consistera d’une part à assimiler les éléments de modélisation structurels construits par Olivier Vidal et son équipe et sur l’identification des principales interdépendances intra- et inter sectorielles qui viennent d’être précisément décrites. La partie principale de la thèse portera elle sur la modélisation dynamique des instabilités systémiques potentielles du système, qui peuvent être déclenchées par des aléas internes (par exemple défaillance d’un ou plusieurs éléments de la chaine de production et de transport de l’énergie ou des matières premières brutes ou transformées), ou externes (par exemple une crise financière).

Activité de modélisation

Plus précisément, le travail envisagé sur ce front porte sur l'élaboration d'un modèle de dynamique des systèmes de ce type de risque systémique. Ce travail se déroulera en plusieurs phases :
  1. Identification des boucles de rétroaction les plus importantes du système couplé production énergétique/consommation énergétique/matières premières/logistique
  2. Identification des maillons les plus fragiles de la chaine logistique.
  3. Elaboration d’un modèle stylisé sur la base de ces caractéristiques
  4. Calibrage du modèle et analyse de stabilité dans différents scénarios de transition et de sources de perturbation du système.
Il ne s'agit pas ici de produire des modèles très détaillés des secteurs considérés, ce qui ne pourrait pas être réalisé dans l'horizon de temps envisagé pour ce travail, et ce qui serait de toutes façons contre-productif en termes d'analyse systémique. Il s'agit plutôt d'identifier et d'étudier les boucles de rétroaction intra- et intersectorielles les plus instables, les possibilités de stabilisation les plus efficaces, ainsi que les effets de seuil et les irréversibilités potentielles de la dynamique. De ce point de vue, la première étape mentionnée ci-dessus est critique et doit être étudiée avec soin. Un niveau gérable de complexité du modèle doit être produit à l'issue de cette étude, à la fois en termes d'élaboration du modèle et d'analyse des résultats.

Réferences

  1. Vidal, O. Matières premières et énergie : les enjeux de demain. ISTE Editions (2018).
  2. Vidal, O., Le Boulzec, H and François, C. Modelling the material and energy costs of the transition to low-carbon energy. Web of Conferences 189, 00018 (2018).
  3. Delannoy, L., Longaretti, P.-Y., Murphy, D. et Prados, E. (2021). Peak oil and the low-carbon energy transition: a net energy perspective. Soumis à Applied Energy, Elsevier, February, 2021.
  4. Andrieu A., Verzier F., Le Boulzec H., Delannoy, L. and Vidal O. (2021). "Dynamic modelling of energy and matter demand and supply: the MATER model". Submitted to Energy & Environmental Science.