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Conférence-débat "Comprendre et Agir"

« It’s politics, stupid! » Sur les quelques mécanismes politiques ayant mené au chaos climatique et environnemental (1970-2030)

Date : 7 avril 2022

Conférence de Christophe Bouillaud, professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble. Christophe est rattaché au laboratoire PACTE (Équipe "Gouvernance") et enseigne à Sciences Po Grenoble. Il intervient régulièrement dans les médias et partage ses réflexions dans "bloc-notes d'un politiste".

Résumé :

Face aux alertes environnementales globales depuis le début des années 1970, l'absence de réactions vraiment significatives de la part des États en la matière pourrait interroger, et l'on pourrait se laisser aller à y voir un défaut de rationalité de la psyché humaine. Or nous entendons rappeler dans cette intervention que la science politique a mis au jour, le plus souvent depuis des décennies, des mécanismes qui expliquent par la rationalité même des acteurs, dirigeants et dirigés, le cheminement vers le chaos climatique et environnemental que nous observons.

Parmi ces mécanismes, les principaux sont : la détermination des politiques publiques par le jeu de mobilisations d'acteurs aux ressources différentiées; la préférence des gouvernants pour l'augmentation de la richesse matérielle des gouvernés pour garantir la paix intérieure sans devoir user d'instruments de répression violents, incertains et coûteux; en cas d'élections libres et compétitives, le poids disproportionné dans la décision électorale des électeurs "riches" et la très faible importance des mobilisations "pour l'environnement" sur le plan électoral depuis les années 1970; la recherche de la puissance par chaque État important dans un monde "hobbésien" ; l'incapacité des médias de masse dans les régimes de démocratie libérale à focaliser durablement l'attention du grand public sur des aspects globaux éloignés de la vie quotidienne. De manière étonnante, ce n'est que récemment que les climatologues, activistes du climat, etc. semblent comprendre vraiment qu'il ne suffit pas d'énoncer la vérité scientifique pour que les dirigeants en tirent les conséquences en terme de bien commun. Il faut donc tenir compte de ces mécanismes, dont la disparition, quel que soit la gravité de la situation environnementale de l'humanité, nous parait à ce stade impensable.

En conséquence, rien ne sera en toute probabilité fait de significatif avant que ces mêmes mécanismes commencent à jouer fortement dans l'autre sens, celui de la prise en compte de ces alertes et ces certitudes scientifiques, ce qui suppose un délais très tardif de réaction, des dégâts matériels, humains, financiers dépassant de loin ce qui l'on a pu connaître lors de la grande crise financière de 2007-08 ou lors de la crise liée au COVID-19, et un écroulement préalable du niveau de vie des majorités électorales dans les pays démocratiques.